Du numérique au numérique, du numérique au papier, trajets avec P. de Jonckheere

J'ai longtemps traîné sur le site Désordre. Du bloc note, je filais le plus souvent vers des pages insoupçonnées. Dingues. Labyrinthe que forme ce site.
Mais longtemps c'est quoi dans nos univers écran ou même, 2008. Ça déguidonne sérieux là-haut puisque tout va si vite. Mais Désordre est installé dans le paysage web. et depuis longtemps. P. de Jonckheere est pionnier dans le domaine. Et on retrouve sa patte graphique sur quelques sites du web littéraire.

Dans ce Journal, on lit des extraits du blog courant de 2002 à 2005. Classés en trois parties, du nom de ses trois enfants. Pratique blog, un journal, et quelque chose aussi, de l'ordre du récit.

Du numérique au numérique

P. de
Jonckheere va des critiques d'exposition à des notes de lecture, pensées notées tard le soir ou bien récit d'un évenement particulier de la vie quotidienne. On entre presque dans la vie de la famille. Et ce n'est plus l'univers du blog, de l'Internet. On entre ailleurs. Plutôt dans le livre. Cela semble possible, oui.

Interrogations sur l'image, P. de Jonckheere a étudié aux Arts Déco avant de passer trois années à Chicago -contacts avec des artistes comme Barbare Crane ou Robert Heineken. Après le récit de la reproduction en douce d'une lithographie, il pointe du doigt le nombre conséquent d'images quotidiennes. Tous les jours. Et les modifications -accessibles à tous dans l'ère numérique- qu'on peut y ajouter. Souligner aussi les préoccupations politique, voire cette analyse du film Caché de Michael Haneke.

Malgré tout de temps à autre, pourquoi écrire ? "Je me dis souvent que j'écris presque tous les jours dans le bloc-notes pour les enfants pour que je ne sois pas une énigme indéchiffrable pour eux plus tard, dans longtemps." Car l'univers famille à sa place et plutôt bien aménagée dans le Désordre : "Je les aime tellement. Je les aime. Je les aime à la folie." Blog, publication en ligne donc, mais qui n'exclut pas l'évocation d'un élément douloureux de la vie, voir "Mardi 4 mars, Pontoise".

Cependant, quand apparaît un texte en réponse au Tumulte de François Bon. On est comme désemparé. L'envie d'aller relire ce texte. Mais impossible via Internet. Et comment le retrouver dans le livre papier. Univers qui s'achoppent, s'affrontent ou bien se caressent.

Quand on a bien avalé les 400 pages du Journal, on se dit une fois de plus tout roule avec cette petite machine. Mais l'envie de retourner en ligne. Lire la suite. Dernière mise en ligne du bloc note ? Et Philippe de Jonckheere lui même d'écrire : "mais surtout ce que je remarque, c'est que mon intuition première n'était pas infondée, le bloc-notes est surtout fait pour être lu en ligne. Si on lui retire, d'une part les images, d'autre part les liens et les fichiers sons et vidéo, on le dépouille de beaucoup et c'est alors que l'on voit que le texte seul est fort nu." On ne va pas si loin, puisque plaisir clair à la lecture de ce Journal. Et lecture dense depuis le CyBook tout à fait possible. Du bloc-note en ligne, blog, est venue l'écriture longue, ça n'est peut-être qu'un souffle, une légère brise, ce n'est peut-être pas autre chose, c'est peut-être la littérature.

Trajet immédiat donc, du numérique au numérique. Et ça reste dans le numérique. Via lecture en ligne ou exploration de Désordre.

Du numérique au papier

Mais on ne s'arrête pas là, Robert Frank photographe, idem sur la machine. Mémoire de fin d'études de Philippe de Jonckheere. Version en cours de cet essai, réflexion sur la photographie. A peine entamé que déjà, l'envie d'aller plus loin.
Prendre la tire, filer à la bibliothèque et emprunter Les Américains, Robert Frank. Préface de Jack Kerouac. Où l'on retrouve la prose dingue et précise à la fois. : "ce long coup de la route de nuit filant en flèche éperdue dans les immensités plates d'une Amérique à-ne-pas-le-croire au Nouveau Mexique sous une lune pour prisonnier". Kerouac énumère comme clichés les nombreuses situations captées par l'appareil photo de Robert Frank et "vous regardez ces images et à la fin vous ne savez plus quel est le plus triste des deux, un juke-box ou un cercueil".
Alors, à travers les clichés noir et blanc, l'autre Amérique. Plaisir. Aperçu chez P. de Jonckheere. Où l'on se prend à revoir Pull My Daisy.

Finalement, le trajet du numérique au papier. Du papier au numérique. Çà ne cesse d'aller, de l'un à l'autre. Et même plaisir dans les deux cas.

Kerouac termine : "Robert Frank, Suisse, discret, gentil, avec cette petite caméra qu'il fait surgir et claquer d'une main, il a su tirer du coeur de l'Amérique un vrai poème de tristesse et le mettre en pellicule, et maintenant il prend rang parmi les poètes tragiques de ce monde. A Robert Frank je passe le message : quels yeux!"


Deux livres de Philippe de Jonckheere chez Publie.net : Robert Frank photographe et Désordre, un journal.



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